Les "choses singulières et du tout inconnues par deçà"
Auteur du récit de voyage le plus lu au XVIe siècle, l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil (1578), Jean de Léry, simple cordonnier devenu pasteur, bouscule les codes de l’écriture de l’Autre et de l’Ailleurs. Faisant de son expérience de voyageur la pierre de touche de son récit, Jean de Léry nous donne à voir un Brésil tantôt « sauvage » et inquiétant, tantôt paré des mille couleurs d’un paradis terrestre. Conscient d’être souvent le premier à décrire les « choses singulières et du tout inconnues par deçà » du Brésil, Jean de Léry n’en est pas moins en lutte contre la prolifération du merveilleux en terre d’Amérique, qu’il s’agisse des « des erreurs, où certains abuseurs qu’ils ont entr’eux, nommés Caraïbes les détiennent » ou des affabulations des voyageurs qui l’ont précédé. Sous sa plume, l’écriture du Nouveau Monde devient la matrice d’une réflexion sur soi, c’est-à-dire non seulement sur l’Européen habitant d’un Ancien Monde chrétien perçu comme un monde en crise, mais aussi sur celui qui, par sa plume, trace pour ses lecteurs un monde de papier.

Géraldine Méret est normalienne, agrégée de lettres modernes, docteure ès lettres et docteur en histoire moderne. Enseignante en classe préparatoire au lycée Carnot de Cannes, elle est spécialiste des récits de voyage aux XVIe et XVIIe siècles auxquels elle a consacré de nombreux travaux de recherche, dont une thèse de doctorat intitulée Paroles sauvages, le discours de l’Autre dans les récits de Maragnan (1614-1615), prix de thèse L’Harmattan 2023.